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Budget

Fondations et financement privé

Fiche LRU 5

vendredi 12 octobre 2007, par Webmestre

Le chapitre financier de la loi LRU est central. C’est autour de lui que peuvent se comprendre les intentions réelles de ses concepteurs. Le financement privé via des Fondations est un élément clé du budget global, aux côtés de la dévolution du patrimoine.

Le nouveau texte

Fondations universitaires (L.719-12) :

« Les établissements (…) peuvent créer en leur sein une ou plusieurs fondations universitaires, non dotées de la personnalité morale [et donc ne pouvant acquérir ou vendre des biens], résultant de l’affectation irrévocable à l’établissement intéressé de biens, droits ou ressources apportés par un ou plusieurs fondateurs pour la réalisation d’une ou plusieurs oeuvres (…). Ces fondations disposent de l’autonomie financière. »

Un décret en conseil d’État doit déterminer « les règles générales de fonctionnement de ces fondations et, notamment, la composition de leur conseil de gestion, la place au sein de celui-ci du collège des fondateurs [les donateurs], les modalités d’exercice d’un contrôle de l’État et les conditions dans lesquelles la dotation peut être affectée à l’activité de la fondation. »

Fondations partenariales (L.719-13) :

« Les établissements (…) peuvent créer, en vue de la réalisation d’une ou plusieurs oeuvres ou activités d’intérêt général conformes [à leurs] missions, une personne morale à but non lucratif dénommée fondation partenariale. Ils peuvent créer cette fondation seuls ou avec les personnes morales visées à l’article 19 de la loi nº 87-571 du 23 juillet 1987 (…). Les règles [générales] relatives aux fondations d’entreprise, dans les conditions fixées notamment par la loi nº 87-571 du 23 juillet 1987 précitée, s’appliquent aux fondations partenariales (…). Les établissements (…) disposent de la majorité des sièges au conseil d’administration. »

Comprendre la réforme

La différence entre les deux fondations réside dans la personnalité morale, refusée à l’une et à la base de l’autre. Les dénominations de « conseil de gestion » dans le premier cas, de « conseil d’administration » dans le second soulignent la différence de voilure.

Les Fondations universitaires semblent avoir un objectif limité : être des structures de gestion de fonds privés destinés à aider un ou plusieurs laboratoires (achat de matériel, allocations de thèse…), ou encore des formations (matériel de TP, sorties terrains…). Pour cela, compte tenu de leur autonomie financière, elles n’ont guère de comptes à rendre à l’université.

Les Fondations partenariales, sont explicitement rattachées aux fondations d’entreprise quant à leurs règles de fonctionnement, même si les EPCSCP ont formellement la majorité dans les CA de ces fondations. Elles peuvent remplir les mêmes fonctions qu’une fondation universitaire. De surcroît, la personnalité morale leur permettra d’acquérir des biens, locaux, matériels et d’embaucher des personnels (précaires !). De quoi développer des instituts au sein des universités et renforcer encore un peu plus leur balkanisation…

Relevons enfin que, dans les deux types de fondation, les « règles particulières de fonctionnement de chaque fondation sont fixées dans ses statuts qui sont approuvés par le [CA] de l’établissement. ». Sur le papier, les universités gardent donc le contrôle. En pratique, on voit pourtant mal un CA d’université (surtout un CA mandarinal, élu de façon aussi peu démocratique que la loi le prévoit) refuser les statuts d’une fondation universitaire imposés par un collège de fondateurs ou par des entreprises libres de donner ou non les fonds nécessaires à la fondation… Le Golem échappera à son créateur universitaire !

C’est dans les articles sur les fondations que la doxa libérale s’affirme le plus clairement. Les universités ayant besoin de fonds, la loi leur propose de les chercher auprès de donateurs privés. Ce n’est pas exactement un désengagement global de l’État puisque les dons seront déductibles des impôts à hauteur de 60% (arts. 29 à 31) et auront par conséquent un coût pour la collectivité. Le gouvernement ne manquera d’ailleurs pas de présenter ces déductions fiscales comme une partie intégrante du budget qu’il consacre à l’enseignement supérieur et à la recherche. En revanche, c’est bien un désengagement pour toutes les formations et recherches qui n’intéressent pas directement les bailleurs de fonds. En effet, l’article 28 est explicite : les moyens sont affectés « pour la réalisation d’une ou plusieurs œuvres ».

L’université ne pourra pas mutualiser ou changer la destination des fonds, et tous ceux qui ne sont pas destinataires devront se contenter du budget attribué par l’État, d’autant plus rabougri que l’université récoltera des fonds privés. C’est, de fait, un encouragement direct à mettre les enseignements, la recherche et les personnels sous tutelle d’intérêts particuliers.

Ainsi, la notion de liberté académique est évacuée du paysage. Toute indépendance du chercheur et toute logique disciplinaire de recherche est abolie au profit d’une dictature marchande — celle du patronat — d’autant plus illégitime qu’elle n’est issue que d’une toute petite partie de la société (et n’exprime le plus souvent que les intérêts à court terme de cette infime minorité). L’exemple de la recherche médicale dont les priorités sont en partie déterminées par des associations de financement devrait également nous alerter : doit-on abandonner toute recherche sur le paludisme parce que cela n’intéresse personne en France ? Souvenons nous enfin qu’aux USA des fondations liées à des groupes religieux subventionnent des « recherches » en créationnisme ou « dessein intelligent », etc. Tout cela peut conduire l’université très loin de la science…

En ce qui concerne les enseignements, d’une certaine façon, la loi vise l’extension à l’université de la division qui régnait à l’école avant-guerre : formations professionnelles courtes, abondées en partie par des fonds privés, pour les classes instrumentales ; filières longues généralistes, abondées quasi-exclusivement par l’État, pour les classes dominantes et les intellectuels. L’objectif est que la dernière catégorie soit de nouveau, comme autrefois, limitée par numerus clausus et concentrée dans quelques centres d’élite. Comment imaginer en effet qu’une petite université de province désargentée, soumise à la concurrence à l’extérieur et entre ses composantes, puisse maintenir durablement de telles filières ? Même l’enseignement professionnel ou technique est menacé dans sa substance. Car les injonctions patronales — déjà présentes — risquent d’y être de plus en plus appuyées par leurs arguments monétaires. Dans l’enseignement dispensé, tous les outils intellectuels et pratiques qui peuvent donner une certaine indépendance aux futurs salariés que sont les étudiants risquent de rapidement passer à la trappe…

Position du SNESUP

Le SNESUP défend la liberté et l’indépendance de la recherche et le développement de formations permettant aux étudiants d’acquérir à la fois des outils critiques et des connaissances qui leur donnent un maximum d’autonomie dans la société. Pour autant, nous ne sommes pas en faveur d’une université sur laquelle la société ne pourrait pas avoir d’influence. Que la société civile soit porteuse de demandes vis à vis de l’université est légitime et il faut que l’université se saisisse de celle-ci (des associations comme Sciences citoyennes développent depuis longtemps ce type d’approche). Mais il ne s’agit nullement de cela avec les fondations, à moins de considérer comme le gouvernement que la société est pleinement représentée par quelques détenteurs de fonds poursuivant leurs intérêts propres. C’est l’État, grâce à l’impôt, qui doit donner les fonds nécessaires. Quant à l’utilisation de ceux-ci, c’est aux scientifiques de la déterminer le plus démocratiquement possible dans les établissements, dans le cadre d’un dialogue démocratique avec l’ensemble de la société (ce qui ne saurait se réduire à un débat au parlement avec des notables…).

Pistes pour l’action

Dans la bataille pour l’abrogation de la loi, la question des fondations doit être mise en avant. Car elles ne seront pas de l’argent en plus, mais en moins pour la plupart des collègues et payées au prix fort par les quelques bénéficiaires : perte d’indépendance et de liberté académiques, utilitarisme à court terme des formations et de la recherche. C’est la mobilisation de toutes et tous, dans les conseils mais surtout dans les AG et dans la rue, qu’il faut développer pour empêcher les universités de mettre le doigt dans l’engrenage fatal du financement privé et exiger de l’État qu’il abonde les établissements à la mesure de leurs besoins (notamment avec l’argent public des déductions fiscales qu’il veut consentir aux donateurs des fondations !).


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