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Budget

Budget global

Fiche LRU 4

vendredi 12 octobre 2007, par Webmestre

Le chapitre financier de la loi LRU est central. C’est autour de lui que peuvent se comprendre les intentions réelles de ses concepteurs. Le budget global rend en particulier pleinement possible la dévolution du patrimoine, les Fondations et le financement privé.

Le nouveau texte

Art.18/L712-8 :

« Les universités peuvent (…) demander à bénéficier des responsabilités et des compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines... »

Art.49 :

« Le chapitre Ier du titre III de la présente loi s’applique de plein droit à toutes les universités au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de sa publication. »

Art.50/L 711-9 :

« Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel autres que les universités peuvent (…) demander à bénéficier des responsabilités et des compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines… »

Art.18/L712-9 :

« Le contrat pluriannuel d’établissement (…) prévoit, pour chacune des années du contrat (…), le montant global de la dotation de l’Etat en distinguant les montants affectés à la masse salariale, les autres crédits de fonctionnement et les crédits d’investissement. Les montants affectés à la masse salariale au sein de la dotation annuelle de l’Etat sont limitatifs et assortis du plafond des emplois que l’établissement est autorisé à rémunérer. Le contrat pluriannuel d’établissement fixe le pourcentage maximum de cette masse salariale que l’établissement peut consacrer au recrutement des agents contractuels. (…) L’établissement assure l’information régulière du ministre chargé de l’enseignement supérieur et se dote d’instruments d’audit interne et de pilotage financier et patrimonial selon des modalités précisées par décret. Les comptes de l’université font l’objet d’une certification annuelle par un commissaire aux comptes. »

Comprendre la réforme

Le budget global (qui « peut » être adopté « de plein droit » au plus tard dans un délai de cinq ans) est un vieux serpent de mer libéral, parfaitement compatible avec la LOLF. Le rapport Mudry de 2002 en avait déjà fixé le principe. En intégrant la masse salariale au budget, dans le cadre du contrat pluriannuel d‘établissement, il opère d’abord au niveau symbolique : les fonctionnaires d’État ne le sont plus tout à fait parce que payés par leurs universités de rattachement, voire par leurs présidents (ce qui devient littéralement vrai en ce qui concerne les primes). Surtout, la loi précisant bien que le nombre des emplois est limité par un plafond (L.712-9), il permet la « fongibilité asymétrique » chère à la LOLF : de la masse salariale pourra être convertie en budget de fonctionnement ou d’investissement alors que l’inverse sera impossible. L’objectif de réduction du nombre de fonctionnaires (et principalement, on va le voir, du nombre d’enseignants) pourra donc être réalisé « en douceur », au nom de la contrainte budgétaire, par les établissements eux-mêmes. Dans le même esprit, il rend particulièrement facile le « repyramidage » : transformation de postes d’une certaine catégorie en une autre, d’un corps à un autre. Les besoins des universités en matière de personnels BIATOSS étant criants et devant s’accentuer en raison des nouvelles tâches et missions que la loi leur assigne (budget global mais aussi aide à l’insertion, etc.), le ministère (cf. circulaire emplois 2008 du 07/09/2007) recommande déjà aux présidents de transformer des postes d’enseignants ou enseignants-chercheurs en postes administratifs de haut niveau (le ministère se déclarant même prêt à assumer l’éventuel surcoût… la première année seulement). En pratique, dans le cadre de la volonté expresse du gouvernement de ne plus créer de postes dans le supérieur (en attendant qu’il en supprime), c’est donc à la fois une véritable réduction du nombre de postes d’enseignants et de l’offre de formation qui se profile et, pour les personnels, un alourdissement à la carte de la charge de travail administrative et/ou d’enseignement (article 19). De surcroît, la loi permettra la généralisation de la précarité à l’université… En autorisant, par ponction sur la seule « masse salariale », le Président à recruter des CDD et CDI à la place de fonctionnaires BIATOSS ou enseignants (L.712-9), la loi ouvre la porte à l’existence concurrente de deux grandes catégories « légales » de personnels dans les établissements. Qu’elle assigne un pourcentage « maximum » de
masse salariale consacré à la rémunération des contractuels (L.712-9) n’offre à cet égard aucune garantie. D’une part, ce pourcentage sera négocié dans le cadre du contrat pluriannuel et donc variable selon les établissements. Il sera probablement très important dans les établissements déjà sous-dotés et les petites universités. D’autre part, un pourcentage de « masse » ne donne pas de pourcentage d’emplois. Il encourage en revanche à verser les plus bas salaires possibles de façon à augmenter le nombre de contractuels nécessaire au bon fonctionnement des services. Les tensions entre fonctionnaires et contractuels s’en trouveront exacerbées. Soulignons aussi que le budget global permet a priori d’englober la recherche (incluse dans la dotation globale) parmi les variables d’ajustement budgétaires. Nul doute que celle-ci risque d’en pâtir, en particulier dans les petits établissements… Enfin, la fin de l’article 712-9 montre clairement que le budget global des établissements sera surveillé de façon tatillonne et bureaucratique par le ministère. L’autonomie, comme le libéralisme du gouvernement actuel, risque d’être singulièrement autoritaire…

Position du SNESUP

Le SNESUP est opposé au budget global. D’une part, il rend encore plus opaque les critères de dotation à chaque établissement (l’importance de la masse salariale relativisant les autres lignes budgétaires). D’autre part c’est une arme contre la fonction publique qui permet l’aggravation continue de la précarité. Fongibilité asymétrique aidant, il transforme les chefs d’établissement en managers dangereusement coupés de leurs collègues. Il introduit des mécanismes étroitement gestionnaires, contraires à la fois au service public et aux libertés académiques. Dans ce cadre, le contrat pluriannuel risque d’être l’instrument par lequel l’État dicte sa loi : la soumission étroite des établissements à une logique de projets où l’indépendance de la recherche et de l’enseignement n’ont plus leur place (voir aussi à ce propos la fiche sur les fondations). A l’inverse, le SNESUP exige des crédits récurrents fortement augmentés sur la base de critères démocratiquement débattus (nombre d’étudiants, besoin des formations et des laboratoires, entretien des locaux…). Afin de combler le retard accumulé, des postes de fonctionnaires enseignants-chercheurs et BIATOS doivent être créés en même temps que les allocations de recherche doivent être multipliées… Le développement des formations doit être programmé en fonction de l’ensemble de la demande sociale et non de la seule demande des entreprises. Ce n’est pas d’un budget global dont les universités ont besoin mais tout simplement d’un budget leur permettant de fonctionner et de répondre aux besoins sociaux, anciens et nouveaux.

Pistes pour l’action

La plupart des Présidents se sont déclarés pour le budget global, tout en ajoutant prudemment qu’il fallait des moyens aux universités pour pouvoir le mettre en œuvre. On peut néanmoins parier sans risque que le gouvernement n’engagera pas ces moyens et que le budget global sera celui d’une pénurie lui permettant de parvenir à ses fins (disparition de la fonction publique d’État à l’université, carte universitaire bouleversée, diminution de l’offre de formation, notamment dans les filières longues, orientation massive des jeunes des classes populaires vers des filières professionnalisantes courtes déviées de leurs objectifs universitaires au profit de ceux du patronat, etc.). Dès lors, il faut mettre les Présidents et les conseils devant cette contradiction majeure et tenter de retarder au maximum le passage des établissements au budget global.

Ajoutons que la formulation ambiguë de l’article 18 permet de contester l’obligation même du passage au budget global (« pouvoir » n’est pas devoir).

Mais, au-delà de ces aspects tactiques permettant de gagner du temps, il faut dès maintenant alerter et mobiliser :
- les collègues enseignants et BIATOS contre la casse des statuts et du service public à laquelle conduisent inévitablement le budget global et la loi LRU,
- les étudiants contre les menaces graves que ces mêmes budget global et loi LRU font peser sur l’offre de formation et l’indépendance de leurs formateurs.


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