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Grèce

Grèce : Quel avenir pour quelle université ?

lundi 15 octobre 2007, par Correspondant FSU en Grèce

Les deux années écoulées ont connu des mobilisations exceptionnelles de la communauté
universitaire, qui s’est opposée à différents projets du gouvernement dont l’objectif était
de casser le caractère public de l’enseignement supérieur et d’aggraver la sélection.

Ces mobilisations ont été en partie couronnées
de succès : la 16éme loi constitutionnelle
affirmant qu’en Grèce, l’enseignement
supérieur relève de la seule
université publique, et que le premier gouvernement
Caramanlis (2004-2007) voulait
modifier, reste pour l’instant en l’état, le quota
nécessaire pour une révision n’ayant pas été
atteint. En ce qui concerne la sélection, le
gouvernement a marqué des points sur deux
plans au moins : une note minimum est exigée
au concours d’entrée en fac, et une disposition
a été adoptée en mars limitant le
nombre d’années dans un cycle, mesure défavorisant
les étudiants-travailleurs. L’application
du principe « nombre d’années du cursus x 2 »
pourrait donner très vite lieu à des conflits.

La majorité gouvernementale a cependant
adopté en mars une série de mesures qui,
d’après des collègues du POSDEP, le syndicat
des enseignants du supérieur,
introduisent la logique
du privé dans l’université.
Au menu : autonomie des
facs, instauration de « managers », et recherche de financements
privés. Avec ce
tryptique cohérent, beaucoup
s’inquiètent des risques qui pourraient
peser sur certaines disciplines et de manière
générale sur les libertés pédagogiques. En
cette période où ont fleuri les promesses
électorales de baisses d’impôts, les universités
pourraient bien être contraintes de se
tourner vers de « généreux donateurs » : les
fondations lancées par de richissimes patrons
d’entreprises et autres armateurs sont devenues
une tradition en Grèce... Qui à partir de
là déterminera les disciplines et les départements
« méritant » financement privé, et sur
quels critères ? On voit là se mettre en place
un système où seuls les enseignements jugés
« rentables » par les financeurs auraient leur
place, et cela dans une perspective dont certains
jugent qu’elle casse avec la tradition
héritée des Lumières.

Quelles propositions ?

Le problème de fond reste celui de propositions
démocratiques pour l’université, refusant
toute concession à la marchandisation
des études. En effet, des « marchands
d’études » du secteur privé tentent de
contourner la loi sur le monopole public en
exploitant la notion de coopération universitaire :
sachant qu’un nombre non négligeable
d’étudiants grecs
vont à un moment de leur
cursus préparer un diplôme
dans une université européenne,
ces habiles commerçants
ont mis sur pied
un dispositif où ils s’associent
avec une fac étrangère
pour proposer aux étudiants d’éviter le séjour
coûteux à l’étranger en préparant en Grèce
à un tarif un peu moins onéreux tel diplôme
de la fac concernée. Jusqu’à maintenant, les
diplômes préparés dans de telles conditions
ne sont pas validés par l’Etat grec, à la différence
des diplômes préparés dans le pays
étranger ; mais les digues semblent de moins
en moins résister, et le risque de dévalorisation
des diplômes serait alors très grand.
D’où l’importance que les syndicats des universités
étrangères concernées se saisissent de
ces questions !

Droit d’asile

Dans les mesures adoptées en mars figure
une remise en cause de fait de l’asile universitaire : la police n’a plus besoin de
l’autorisation du conseil d’université pour
pénétrer dans une fac. L’illustration a été
donnée dès septembre à la fac de Thessalonique : les policiers sont entrés pour
chasser et arrêter quelques jeunes isolés,
soupçonnés d’avoir jeté des projectiles
contre la police. On imagine ce qui pourrait
se passer demain dans le cas d’une
fac occupée, comme ce fut le cas presque
partout ces deux dernières années dans
les quelques 300 départements universitaires
du pays !

Les réflexions sur des propositions démocratiques
pour l’université devraient certainement
partir de ce constat : l’accès à l’université,
qui s’était largement ouvert ces trente
dernières années, repose malgré tout sur
un dispositif de sélection féroce : on entre en
fac sur la base d’un examen national aux
formes de concours, et selon la note obtenue,
on obtient la filière de son 1er, 2e, 3e
choix et une place dans la fac souhaitée en
1er, 2e, 3e ... Sachant que ce concours est un
bachotage à la puissance 1000, on mesure
les conséquences : la dernière année de
lycée, au minimum, est un véritable calvaire,
d’autant que l’immense majorité des
lycéens se rue dès la fin des cours dans des
boîtes privées, les frontistiria, de stricte préparation
aux épreuves. Gâchis intellectuel —
ces examens reposant sur le par cœur ne
préparent en rien aux méthodes de travail en
fac —, et poste de dépenses terribles pour les
familles : il faut payer les frontistiria, et si
l’étudiant est accepté dans une fac éloignée
ou ne disposant pas de résidence universitaire,
les frais de logement chez des particuliers.
Les chiffres indiquant le montant
des dépenses engagées par les familles sont
sans appel : le « marché des études » est déjà
une réalité en Grèce, et il semble prioritaire
de repenser totalement ce système de préparation
à l’université.