Pour une université démocratique

Accueil > Contributions > Les universités dans les pays européens > Portugal : Réforme de l’université et LMD

Portugal

Portugal : Réforme de l’université et LMD

lundi 15 octobre 2007, par Idelette Muzart

Le passage au LMD coïncide avec une réforme de l’université que refusent
étudiants et universitaires et qui ressemble fort à la loi LRU !

Le projet de réforme de la loi règlementant
les institutions d’enseignement supérieur a
été le grand sujet de discussion et de discorde
de l’année 2007 au Portugal. Les universités, en
particulier les plus traditionnelles, avaient
freiné ou même ignoré la mise en oeuvre du
processus européen dit de Bologne (en France
LMD) en ce qui concernait la structure des
diplômes. La situation exigeait une prise de
décision car, en conséquence de ce déphasage,
de plus en plus d’universités portugaises restaient
en marge des programmes européens,
tels qu’Erasmus Mundus, Tempus, etc.

Le premier ministre socialiste, José Sócrates, et
son ministre des Sciences et Technologies et de
l’Enseignement Supérieur, José Mariano Rebelo
Pires Gago, ont proposé une révision de la loi
règlementant le système éducatif, afin de permettre
l’application immédiate (à la rentrée
2008 pour l’ensemble des universités portugaises)
de la réforme LMD. Malgré un climat
plus ouvert aux négociations, l’approbation
de la réforme recevait des avis défavorables du
Conseil des Recteurs des Universités Portugaises
(CRUP, équivalent CPU), des étudiants,
des universitaires et même du président de la
République (conservateur).

Les étudiants organisèrent en mai 2007 des
manifestations d’envergure pour protester
contre l’envoi du projet de loi au parlement :
à Lisbonne, ils drapèrent de noir la statue du
Marquis de Pombal, créateur au XVIIIe siècle
de l’université portugaise moderne, en signe
de protestation. Les enseignants de gauche
se déchaînèrent contre un projet de loi, pourtant
présenté par un gouvernement socialiste :
« Mon dilemme : vouloir en finir avec cette université
oligarchique, patriarcale et paternaliste,
héritée de l’Avant, et craindre, dans le même
temps, qu’elle se transforme en entreprise
avec des produits, une politique de résultats et
des « clients acheteurs de sorties professionnelles » de l’Aujourd’hui. Ce qui y manquait et
manque encore, c’est le Lendemain (vous
savez, celui qui chante) [1] ».

Une réforme « libérale »

Quels sont les points essentiels de cette
réforme ?

Cette nouvelle loi, fondée sur une étude de
l’OCDE à la demande du gouvernement portugais
et remise en décembre 2006, définit les
missions propres des universités et des Politécnicos
(IUT) et leur reconnaît une réelle
autonomie de gestion financière et de ressources
humaines. Elle les autorise à se transformer
en fondations de droit privé et à former
des consortia. Les questions qu’elle soulève ne
sont pas nouvelles mais acquièrent un nouveau
relief et trouvent de nouvelles solutions : à la
question du paiement des frais d’inscription,
toujours très élevés, et du financement de la vie
étudiante, par exemple, le gouvernement
répond en « négociant » des prêts bancaires
garantis avant même d’évoquer une possible
augmentation du nombre de bourses.

« Sarkozy a copié ! »,
affirment en souriant
les collègues portugais.

De fait, les ressemblances
sont frappantes
et le schéma
de l’OCDE est aussi
visible dans la
réforme française
que dans la portugaise. Les collègues portugais
attendent maintenant la 3e étape : le changement
de la carrière des universitaires. Celle des
enseignants des lycées et collèges a déjà été
modifiée — de façon drastique —, l’enseignement
supérieur ne saurait attendre longtemps.

Tout ceci fait dire à Boaventura Sousa Santos :
« Une université socialement ostracisée pour
son élitisme et son corporatisme et paralysée
par son incapacité à se remettre en question
alors qu’elle questionne la société, devient
une proie facile pour les prosélytes de la globalisation
néolibérale. C’est pour cela que
l’émergence d’un “marché universitaire”,
d’abord national, puis transnational, constitue
une menace si sérieuse pour le bien public que
l’université produit ou qu’elle devrait produire. » [2]