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Le mensuel du SNESUP

Principe d’autonomie et nomination des enseignants-chercheurs

Dossier spécial "autonomie" du n°552

mercredi 21 février 2007, par Michel Fortuné

Le principe d’autonomie fait-il obstacle à notre souhait d’améliorer les procédures de recrutement dont les défauts sont manifestes ?

Le ministre de l’Éducation nationale s’étant
engagé à ce que toutes les demandes de
rapprochement de conjoints soient satisfaites
dans un délai de deux ans, le secrétaire
général du SNESUP l’a pris au mot lui demandant
ce qu’il comptait faire pour améliorer le
dispositif des mutations pour les enseignants
du supérieur. Il en est résulté la promesse
d’un groupe de travail qui rendrait ses
conclusions avant fin mars. Mais avant même
de fixer le calendrier des réunions, le directeur
de cabinet a posé les limites de la discussion
 : « Dans le respect d’une part de
l’autonomie des établissements (...), d’autre
part du principe d’élection par les pairs pour
les nominations d’enseignants-chercheurs et
d’enseignants à l’université ».

Le terme nomination, choisi à dessein,
englobe les recrutements, les mutations, les
détachements, les affectations des enseignants
du second degré... Les deux principes
énoncés ont leur traduction législative
dans le Code de l’éducation : l’autonomie
dans l’article L711 (ex. article 20 de la loi
Savary de 1984), l’élection par les pairs dans
l’article L 952-6 (ex. art 56 de la même loi).
On pourrait considérer le second comme
un corollaire du premier. En fait, il est d’origine
plus ancienne, mieux ancré dans la tradition
universitaire et dans les valeurs du
SNESUP. Quant à l’autonomie des établissements,
elle peut certes s’exprimer démocratiquement,
mais tout autant par des choix discrétionnaires.

Les modalités du recrutement des enseignants-chercheurs

L’autonomie des établissements s’exprime
légitimement par l’initiative, confiée aux
CA pléniers, des affichages de postes : section,
profil, type de concours. Elle réapparaît
en fin de procédure, par un droit de
regard sur les classements des jurys, pouvant
aller jusqu’au droit de veto, dévolu au
CA restreint, en principe sur des critères
d’adéquation au profil et non de jugement
scientifique. A cela s’ajoute l’anormale
exception d’un autre droit de veto attribué
aux directeurs de composantes (article
L713-9 du Code de l’éducation), qui suscite
la jalousie des chefs d’établissement et
incite la CPU à réclamer l’extension de ce
droit. Entre-temps, c’est le jugement et
l’élection par les pairs qui président aux
deux étapes dites de la qualification par
l’instance nationale (CNU) et du concours
proprement dit dont les commissions de
spécialistes locales constituent les jurys.
Sans aucun doute, ce dispositif qui, pour
l’essentiel, remonte à la modification de 1997
du décret de 1984, représente un progrès par
rapport à l’usine à gaz précédente, et surtout
par rapport à la cooptation mandarinale
d’avant 68.

Nos propositions d’amélioration

Cette procédure comporte cependant de
graves défauts, entre autres de laisser chaque
année de nombreux emplois non pourvus,
et simultanément, de nombreux qualifiés
sans emplois. Parmi ces reçus-collés, la plupart
ont déjà assuré la responsabilité de
groupes d’étudiants, en qualité de moniteurs,
vacataires ou Ater, et certains d’entre
eux continueront à grossir les rangs des
contractuels post-doc de l’enseignement
supérieur et de la recherche.

Pour ces raisons, le SNESUP propose une
autre piste pour les recrutements d’enseignants-
chercheurs, qui conjuguerait la préparation
d’une thèse et une formation aux
autres missions, notamment l’enseignement,
pour des fonctionnaires stagiaires pré-recrutés.
Cela impliquerait une vocation à la titularisation,
difficilement compatible avec les
aléas de l’actuel concours sur emploi.

Resterait donc à trouver des modalités de
concours réservés à ces stagiaires : concours
sur regroupement géographique d’emplois
(où les instances d’affectation émaneraient de
plusieurs établissements) ? concours sur
regroupement géographique (où les instances
seraient des sous-ensembles du
CNU) ? concours type CNRS (où l’instance
nationale se prononcerait sur des tickets
candidat-établissement) ?

Le principe de jugement par les pairs y trouverait
pleinement son compte, le principe
d’autonomie un peu moins. Mais ce principe
est-il aussi absolu qu’on voudrait le faire
croire ? Qu’en est-il de l’autonomie des universités
dans le recrutement des professeurs
des disciplines juridiques, économiques, politiques
et de gestion, qui résulte d’un
concours national d’agrégation ? Et que
devient-elle face à une jurisprudence du
conseil d’État qui permet au ministre, sans
même avoir à s’en justifier, de refuser la
nomination d’un enseignant-chercheur régulièrement
élu par toutes les instances compétentes
de son établissement ?