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Université Paris 8

Motion 3 conseils de Paris 8

jeudi 12 juillet 2007, par Marc Champesme

Motion adoptée par les trois conseils de l’Université Paris 8 réunis le 12 juillet 2007

Les trois conseils de l’université Paris 8, réunis le 12 juillet 2007, ont pris connaissance de la dernière version du « projet de loi relatif aux libertés (responsabilités) des universités ». En raison des oppositions suscitées par ce projet et après son rejet par le CNESER le 22 juin 2007, le texte initial a été amendé, mais ses principales dispositions restent de nature à susciter notre opposition la plus vive, tant sur le fond que sur la méthode employée. En l’absence de dialogue suffisant avec la communauté universitaire, en raison du profond déficit démocratique impliqué par ce projet et des atteintes qu’il porte au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, les trois conseils exigent son retrait immédiat et l’instauration d’une véritable concertation dans le cadre d’un large débat national.

Fermement attachés aux trois missions principales de l’université – formation, recherche, aide à l’insertion professionnelle – et à une authentique égalité des chances des étudiants, les trois conseils réaffirment qu’elles ne peuvent être assurées sans une augmentation substantielle et immédiate des moyens alloués à l’Université, impératif qui ne saurait être conditionné par une réforme de la gouvernance.

- Sur le déficit démocratique

Le fonctionnement des institutions universitaires doit reposer sur des principes démocratiques garantissant la représentation de l’ensemble de la communauté dans sa diversité et ses spécificités. Or, la réduction prévue du conseil d’administration (8 à 14 enseignants-chercheurs, enseignants ou chercheurs élus, 3 à 5 étudiants élus, 2 ou 3 BIATOSS élus, 7 ou 8 personnalités extérieures - de surcroît nommées par le président) constitue un net recul démocratique.

Le projet implique une regrettable distorsion entre la communauté et sa représentation. Est introduit, pour les collèges des enseignants-chercheurs et assimilés, un mode de scrutin qui donne, sans condition de seuil, plus de la majorité des sièges à la liste arrivée en tête. Comme le souligne la commission des affaires culturelles du Sénat, il en résulte un double risque « disciplinaire et clanique ».

Pour garantir sa légitimité, le président doit être un enseignant-chercheur titulaire élu par l’assemblée des trois conseils, ce qui n’est plus le cas dans le projet actuel.

- Sur les atteintes au service public de l’enseignement supérieur

L’une des spécificités de l’université consiste à associer l’enseignement et la recherche. Or, selon ce projet, le président pourrait n’exercer aucune fonction d’enseignement et de recherche et n’avoir de surcroît aucune attache avec l’établissement.

Le concours est et doit rester le mode de recrutement des enseignants-chercheurs par les enseignants-chercheurs. Aussi doit-il être opéré par des commissions de spécialistes élues. Or, à ces dernières se substituent des comités de sélection nommés par le conseil d’administration, composés au moins pour moitié d’extérieurs, et majoritairement de spécialistes de la « discipline », sans que ce dernier terme reçoive une définition claire. En outre, le président dispose d’un droit de veto sur toute affectation dans l’établissement. Le système proposé favorise en tous points l’arbitraire.

Le concours est et doit rester le mode principal de recrutement de tous les personnels. Le statut de la fonction publique garantit l’égalité de traitement des candidats. Or, selon le projet, le président peut recruter, sur les ressources propres de l’établissement, des agents contractuels pour occuper des emplois aussi bien d’IATOSS catégorie A que d’enseignement et/ou de recherche, ce qui va à l’encontre du principe d’égalité garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme et le recrutement par concours. En résultent une déréglementation des statuts de tous les personnels ainsi qu’une précarisation de leur situation, auxquelles s’ajoute le risque d’arbitraire et de clientélisme dans le mode d’attribution des primes et des dispositifs d’intéressement.

Les trois conseils réaffirment leur attachement à un cadre national de référence des diplômes, ainsi qu’à l’attribution de crédits récurrents aux équipes de recherche sur la base de leur bilan scientifique.

- Sur l’absence d’augmentation de moyens préalable à la réforme :

Aucune dotation supplémentaire n’est à ce jour engagée par les pouvoirs publics pour compenser la dévolution de compétences supplémentaires en matière de gestion du patrimoine et de gestion des personnels. Ce choix politique aggrave la situation des universités déjà sous-dotées par rapport aux grandes écoles et aux universités étrangères. Aussi demandons-nous la tenue d’un collectif budgétaire.

Les principes de dotation doivent être fondés sur des critères clairement établis et rendus publics par la loi.

- En conséquence :

Ce projet de loi porte atteinte à l’organisation et à la mission des établissements, sans se référer du reste à la création d’un espace universitaire européen. Il remet en cause l’unité du service public et les missions des personnels. Il confère des pouvoirs démesurés au président. Il met en péril le lien essentiel recherche-enseignement, et induit un déficit démocratique accentué par l’affaiblissement du rôle du CS et du CEVU. Il porte atteinte au recrutement des enseignants-chercheurs par leurs pairs et désynchronise les calendriers de recrutement. Il porte atteinte aux statuts de tous les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sous couvert de « modernisation » et d’ « efficacité », il institutionnalise un enseignement supérieur à plusieurs vitesses.

Aucun engagement financier précis n’accompagne ce projet, tandis qu’on annonce 17 000 suppressions d’emplois dans l’Education nationale pour l’année prochaine.

L’avenir des universités, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui exige des moyens et une réforme, mérite mieux qu’une loi bâclée en un mois. L’université Paris 8 considère que ce projet est inacceptable en l’état et demande que le gouvernement renonce à imposer sa réforme durant l’été. Elle exige qu’on prenne le temps d’un véritable débat, le plus large possible, sur les enjeux de l’enseignement supérieur. Pour sa part elle entend poursuivre le travail engagé dans cette perspective avec la tenue de ses Etats Généraux.

L’autonomie des universités ne saurait se réduire à une simple autonomie de gestion de la pénurie. Parce que l’enjeu est d’assurer à tous les étudiants la formation, la réussite et l’insertion professionnelle auxquelles ils ont droit, nous revendiquons une autonomie qui repose sur l’innovation pédagogique et scientifique, sur le respect des principes démocratiques et sur un engagement national à la hauteur de ces ambitions.

L’assemblée des trois conseils approuve la motion à l’unanimité.