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Université de Bourgogne
Motion formation des enseignants du conseil de l’UFR Langues et Communication de l’Université de Bourgogne
mardi 21 octobre 2008, par
Motion relative à la réforme du CAPES votée à l’unanimité par le conseil de l’UFR Langues et communication de l’Université de Bourgogne le mardi 21 octobre 2008.
Tout d’abord, les enseignants présents ont tenu à affirmer qu’ils ne sont pas hostiles à l’idée d’une réforme du mode de recrutement des
enseignants, dont ils connaissent bien les limites mais aussi les points positifs. Ensuite, ils ont tenu à réaffirmer leur attachement à certaines
exigences qui leur paraissent incontournables dès lors qu’il s’agit de proposer des changements du mode de recrutement. Notamment, les
enseignants présents ont voulu souligner la nécessité de faire des réformes qui respectent l’importance de la formation disciplinaire, la
rigueur et l’équité du mode de recrutement, l’engagement des enseignants dans la sélection des candidats. Enfin, il paraît indispensable que toute évolution du mode de recrutement prenne en compte aussi les difficultés et les efforts auxquels sont confrontés les étudiants qui préparent un concours, et que l’on protège donc la valeur et la spécificité d’une profession bien particulière. L’analyse des éléments contenus dans la maquette qui illustre le projet du Ministères, a fait apparaître un certain nombre de points, qui ont focalisé les débats et sur lesquels les enseignants souhaitent que le dialogue s’engage.
- D’une manière générale, les enseignants s’interrogent sur le calendrier qui se précise. En effet, les maquettes des nouveaux Masters doivent apparemment être communiquées au Ministère pour le mois de janvier prochain. Compte tenu des délais techniques nécessaires à l’approbation de ces maquettes par les instances universitaires, il resterait aux départements moins d’un mois pour finaliser ces projets de Master. Un tel délai, à une période de l’année déjà bien chargée, rend quasiment impossible un travail sérieux, dans un climat de dialogue.
Ce calendrier est d’autant plus irréaliste, que la réforme des Masters que l’on demande aux enseignants de réaliser est de taille, et qu’elle
entraînerait aussi d’importantes modifications des maquettes des Licences.
Enfin, si cette réforme doit être engagée dès la rentrée 2009, cela veut dire que les étudiants qui souhaitent préparer le concours en 2010 ne connaîtront pas le contenu de leur formation avant plusieurs mois et ne pourront donc pas organiser leur prochaine année d’études dans de
bonnes conditions. - La place réservée à l’évaluation des compétences dans la discipline choisie, a suscité aussi beaucoup d’interrogations. Dans la
maquette ministérielle, seules deux épreuves sur cinq sont clairement réservées à cette évaluation, et la nature de ces épreuves demeure très
floue, puisque l’une d’entre elles peut inclure des questions portant sur l’épistémologie ou l’histoire de la discipline ; or, l’on peut savoir fort
bien parler d’une langue vivante sans la maîtriser. Qui plus est, ces épreuves sont écrites ce qui pose évidemment un problème pour le
recrutement d’un enseignant de langue : la proposition de prévoir un « entretien avec le jury en langue étrangère », aux contours très flous,
n’est pas satisfaisante puisque un « entretien » n’est pas une épreuve qui permettrait une évaluation rigoureuse. - Par ailleurs, la remise en question de la notion de programme, remplacée par une formule évoquant les notions enseignées dans le
secondaire, suscite beaucoup de perplexités. Pourra-t-on demander à des étudiants qui se destinent à l’enseignement, de suivre
sérieusement des cours de discipline lorsque le poids de cette discipline dans le concours sera extrêmement réduit ? Et comment les faire
travailler sur des aspects de cette discipline qui risquent d’être exclus a priori des épreuves d’évaluation ?
Enfin, la composition du jury et, plus généralement, des remarques qui indiquent la volonté de séparer la préparation au concours
(confiée à des enseignants) du recrutement (où les enseignants auraient un rôle de plus en plus réduit), nourrissent bien des
inquiétudes : les enseignants ne prétendent pas avoir le monopole du recrutement, mais ils estiment que l’on ne saurait préserver la
spécificité et la valeur de la profession si le recrutement était confié à d’autres, qui se détermineraient d’ailleurs sur la base de critères bien
souvent étrangers à la pratique du métier. - Ces questions suscitent une interrogation plus générale au sujet de l’image des futurs enseignants que cette réforme semble dessiner. En
effet, l’expérience nous montre que l’autorité d’un enseignant est certes le résultat de ses compétences pédagogiques, mais elle est aussi et
avant tout le résultat de son savoir, de sa culture. Un enseignant qui en saurait, dans une discipline donnée, « juste assez » pour réussir une
épreuve écrite sans programme spécifique, risquerait de révéler assez rapidement à ses élèves les limites de ses connaissances et de ses
compétences. De plus, l’affaiblissement du niveau de formation disciplinaire ne pourrait que menacer la « biodiversité culturelle » du corps
enseignant : il est important que chaque enseignant soit, avant tout, bien formé dans la matière qui lui est spécifique.
Enfin, on comprend bien le souhait du Ministère qui veut qu’un enseignant connaisse les instructions ministérielles et qu’il ait une bonne
formation pédagogique pour qu’il puisse « tenir sa classe » : mais si cela se fait au détriment de l’épaisseur culturelle de l’enseignant, c’est
son rôle de « formateur » qui est remis en question, pour être remplacé par celui « d’animateur », ce qui ne serait sans conséquences graves
pour l’école et pour la société dans son ensemble. Nous demandons en effet comment l’on peut espérer de façon réaliste que des enseignants
de Langues évalués par un tel concours pourront transformer les générations futures en élèves bilingues, comme l’a récemment annoncé le Ministre de l’Education Nationale. - Un autre point qui nourrit les interrogations des enseignants, est le niveau d’études exigé avant de se présenter au concours. Actuellement,
on est recruté à Bac + 4 (licence plus année de préparation), mais dans la nouvelle maquette il faudrait attendre la cinquième année
d’études, l’obtention du Master 2 avant d’être recrutés, ce qui rallongerait la période de précarité pour les candidats et renforcerait les
inégalités. Cela pourrait se justifier si, au concours, le niveau des compétences dans la discipline était plus élevé, mais allonger la durée des études universitaires lorsqu’on réduit l’importance de la discipline (et donc de ces études) lors du recrutement, est évidemment paradoxal.
En effet, le texte précise que le niveau disciplinaire du concours sera celui du L3.
Par ailleurs, le candidat admis au concours se retrouverait assez rapidement confronté à une charge d’enseignement de titulaire, et perdrait le bénéfice de l’année de stage, qui lui permet d’apprendre son métier d’enseignant tout en ayant du temps disponible pour la réflexion et le travail de préparation des cours.
L’absence d’informations précises suscite aussi beaucoup de questions chez les enseignants et les étudiants. Par exemple, que doit faire un étudiant reçu au concours mais qui souhaite aussi préparer l’Agrégation ? Tant qu’il ne fait pas son Master 2, il n’est pas recruté,
mais préparer à la fois l’Agrégation un Master 2, et débuter dans l’enseignement avec un emploi du temps de titulaire, cela paraît
bien difficile. Enfin, la question de la « bidisciplinarité », souvent évoquée mais jamais précisée est aussi source d’interrogations et devrait être précisée.
Les enseignants souhaitent que toutes ces questions, et quelques autres, puissent être abordées dans un climat de travail sérieux et serein, dans le respect des prérogatives des tous les acteurs de ce processus délicat qu’est la formation et le recrutement d’un enseignant. C’est pourquoi, tout en réitérant la disponibilité à participer à une réforme, les enseignants de l’UFR de Langues et Communication
demandent qu’une véritable négociation s’engage avec un calendrier réaliste.