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Le SNESUP
François Goulard en précurseur
Supplément spécial autonomie au numéro 555 du mensuel du SNESUP
lundi 4 juin 2007, par
Entre les termes du Rapport Goulard sur « l’enseignement supérieur en France » et les attendus du projet de loi sur « l’autonomie des universités » annoncé pour juillet par le Premier ministre, dont la préparation accélérée est orchestrée par Valérie Pécresse, il y a une remarquable continuité.
Dire que le précédent
ministre, père officiel de
l’ANR, de l’AERES, serait
l’unique inspirateur du projet
Sarkozyste serait un honneur
bien grand, pour un
ludion politique, sensible
comme tel à l’air du temps et à ses logiques
dominantes. Mais ce caractère même et les
sources d’inspirations d’un rapport « sous la
direction de François Goulard » rendu public
en mai [1] donnent les grands traits et les détails
de la recomposition d’ensemble du supérieur
mise en oeuvre (dans la continuité !) par
l’actuel gouvernement.
Il est facile, Madame la ministre nous l’a joué
dès le 25 mai, d’énoncer avec aplomb : « tous
les rapports montrent qu’il faut revoir le pilotage
des universités »... il suffit de confier la plume
aux mêmes, sans aucun pluralisme. L’équipe de
rédaction du rapport Goulard était sur ce plan
d’une homogénéité remarquable.
Est ainsi projeté un éclatement du monde universitaire : une grande hiérarchisation territoriale
et scientifique, un bouleversement
des statuts des personnels.
Les « collèges universitaires » et ceux qui jouent dans la cour des grands
Le rapport préconise des systèmes universitaires
territoriaux (au sein d’une ou plusieurs
régions) censés faire converger vers
une université de recherche (de « niveau
international ») structurée autour des masters,
un ensemble d’universités de proximité... ce
qui renforcerait l’articulation étroite entre l’offre
de formation à la demande économique (sic).
Les deux premières années, les étudiants
seraient confiés à des enseignants temps
plein au sein d’instituts universitaires. Le
niveau « T », ferait d’ailleurs son entrée en
fanfare et en tête du trio LMD, lequel devenu
quatuor TLMD sanctionnerait plus facilement
les sorties au niveau bac +2.
La diversité des missions de formations assignée
au supérieur, dans ce rapport, est caricaturalement
réduite et connectée aux
besoins économiques tels que déterminés
par les employeurs : survalorisation des formations
professionnalisantes [2] « aux effectifs
régulés en nombre », vision réductrice des
formations académiques... et des cursus restant
censés dispenser des capacités transversales
et pour lesquels le critère d’employabilité
est l’indicateur de performance. La
qualité des cursus n’étant évaluée in fine
que par l’avis des DRH (tel quel dans le
texte ! on doit comprendre
« Directeur des ressources
humaines ») lesquels ont l’immense
qualité d’être sensibles
au nombre et à la
nature des petits boulots
exercés durant les études
(nous n’inventons rien, c’est page 28).
Quant à la recherche son articulation structurelle
à la construction et à la mise en oeuvre
des formations est complètement dénaturée.
Sont typées deux « recherches ».
Celle dite de « niveau mondial » que doivent
pratiquer les encadrants de M2 et D, celle
pratiquée dans les universités de proximité,
IUT, Écoles », dite aussi « recherche de proximité
» qui pourrait être à utile l’environnement
économique de l’université et/ou la formation
des étudiants.
L’un des objectifs du rapport Goulard est de
faire émerger un nouveau corps pour lequel
deux formulations sont utilisées
« enseignants universitaires
» ou « enseignants de
l’enseignement tertiaire » (par
extension du « second
degré » des collèges et
lycées). De fait il s’agirait de
faire converger dans un tel corps d’une part
des enseignants-chercheurs jugés non productifs,
d’autre part les « PRAG » dont il est envisagé
qu’ils soient « associés à une activité de
recherche » mais « sans que ceci modifie significativement
leur horaire d’enseignement »
(p. 33).
Les recommandations du rapport Goulard se
retrouvent d’ailleurs pour beaucoup dans les
thématiques déclinées par Valérie Pécresse
dans la concertation express organisée entre
le 5 et le 21 juin.
Ainsi en est-il de « l’autonomie » dans la
conception du rapport
puisque « l’opinion générale
prévaut que l’organisation
générale des pouvoirs
n’est pas gage
d’efficacité » (p. 117, bien
sûr sans aucun début de
preuve... en particulier sur les critères et les
indicateurs d’efficacité !).
Le chantage aux moyens : cette autonomie-là, sinon rien
Gestion des ressources humaines, propriété
et gestion du patrimoine... pouvoir de créer
des formations nouvelles et d’arrêter les
contenus, sont les objectifs assignés par le
rapport Goulard. L’organisation voulue puiserait
sa légitimité dans un CA réduit dans
lequel le poids des personnels élus diminuerait,
avec un président renouvelable disposant
d’un droit de veto sur les recrutements
(p. 123). Elle permettrait de fait un
désengagement financier de l’État, en particulier
sur l’immobilier puisqu’il est écrit
(p. 125) « les universités motivées par un
objectif de gestion optimal de leur parc immobilier
seront moins frileuses que l’État dans le
recours aux formules innovantes comme le
partenariat public/privé ».
Ces orientations sont sans ambiguïté, elles se
conjuguent de fait avec un refus de l’élévation
générale des qualifications, construisant des
cloisonnements inédits : création par exemple
à côté des actuels IUT d’IUG (Instituts
universitaires généralistes) voire dans certains
cas IUS ou IUH (S comme « Sciences »,
H comme « Humanité ») lesquels fonctionneraient
avec des emplois de type enseignant
temps plein.
La logique à l’oeuvre est bien celle qui inspire
l’actuel gouvernement : déréguler, hâter la
venue de textes législatifs et réglementaires,
lancer des « appels à projets » à des universités
actuellement exsangues... pour que « les
université lauréates se verraient attribuer rapidement
les emplois et les moyens de fonctionnement
nécessaires » (p. 143).
C’est bien sûr le sens du refus répété de
Valérie Pécresse le 31 mai dernier de
répondre à notre demande de collectif
budgétaire pour aller vers la réussite des
étudiants et l’amélioration des conditions
de la recherche universitaire.
[2] Tandis que la DGES s’obstine à mettre en
pièces nombre d’entre elles : double langage !