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Paris 7 — UFR LAC

Paris 7 : motion de l’AG des personnels de l’UFR Lettres, Arts, Cinéma, réunis en AG lundi 19 novembre

mardi 20 novembre 2007, par Webmestre

« Un élan nouveau »

Dans Le Monde daté du 14 novembre, six président d’universités parisiennes signent un texte où l’on peut lire ceci, en réponse à ceux qui s’opposent à la loi « Libertés et responsabilités des universités » (LRU) : « La mise en place de l’ensemble des nouvelles dispositions suscite au contraire un élan nouveau dans nos établissements et la communauté universitaire s’est rapidement mobilisée pour les traduire en perspective de progrès décisifs pour nos étudiants et nos équipes de recherche. Briser cet élan serait une régression dramatique pour nos établissements. »

En tant que membres de la communauté universitaire en question (Guy Cousineau, président de Paris Diderot — Paris 7 est l’un des signataires du texte), nous voudrions apporter quelques nuances au constat d’enthousiasme émis par les Présidents et faire quelques remarques simples pour préciser en quoi notre analyse de la situation actuelle diffère de celle exposée dans l’article du Monde.

  1. La LRU, désirée et négociée par les Présidents d’université, votée en toute hâte cet été, n’a pas fait l’objet d’un débat au sein des Départements ou des UFR qui sont les vrais lieux de vie et d’échanges où enseignants, personnels administratifs et étudiants se retrouvent au jour le jour. C’est à la faveur du mouvement étudiant en cours que le travail d’explication et de discussion de la réforme est en train de se faire. Or, pour la plupart des Présidents d’université, cette loi ne saurait faire débat : la contester revient tout simplement à empêcher « les progrès décisifs pour nos étudiants » et à faire prendre le risque d’« une régression dramatique ». Ce refus du débat, cette fuite en avant assortie d’une dramatisation vaguement menaçante, sont contre-productifs et suscitent la légitime défiance des personnels. L’autonomisation des universités s’accompagne dans les faits d’une déresponsabilisation accrue des enseignants-chercheurs, en réalité plus soumis que jamais aux diktats du ministère, relayés par les présidences d’université. En guise d’élan nouveau, c’est donc plutôt le scepticisme sur la capacité des nouvelles dispositions à résoudre les difficultés de l’université qui domine. Et ce scepticisme est d’autant plus marqué que, parallèlement aux dispositions de la LRU concernant la « gouvernance » des universités, les enseignants-chercheurs sont sommés de mettre en œuvre des orientations très contestables dans le domaine des formations.
  2. Moins exposée médiatiquement, la « campagne d’habilitation des diplômes » (ou LMD 2), dont le calendrier a été unilatéralement précipité par le Ministère (anticipation arbitraire de six mois sur le calendrier initialement prévu pour la vague C), insiste sur deux points : la pré-professionnalisation des Licences et la pluridisciplinarité accrue en 1ère année. Ces orientations sont adossées à deux convictions : d’une part les étudiants se spécialiseraient trop tôt, d’où la nécessité d’étudier plusieurs disciplines avant d’en choisir une définitivement, d’autre part ils ne seraient pas assez préparés à un métier, d’où la mise en place systématique et prise sur le volume horaire, déjà étique, des enseignements disciplinaires, d’unités d’enseignements tels que des « projets personnels professionnels », ainsi que la forte recommandation d’un stage en entreprise au cours de la Licence, de préférence en L3. Ce modèle, qui fait signe à la fois du côté de l’ancienne propédeutique pour le côté « terminale-bis » de la 1ère année et du côté des Licences professionnelles dans sa volonté de faire correspondre étroitement les formations de Licence à des métiers, est préconisé avec insistance dans les documents ministériels que relaient les Conseils de l’université. Ne pas s’y soumettre, nous répètent ces instances, c’est s’exposer à la sanction de ne pas obtenir l’habilitation de nos diplômes. Le problème, c’est que s’y plier revient à détruire la cohérence des Licences disciplinaires générales sans rien résoudre des véritables problèmes qui se posent à l’université en général et aux étudiants en particulier. Ces problèmes, quels sont-ils ?
  3. On connaît ce chiffre impressionnant : plus d’un tiers des étudiants inscrits en 1er cycle quittent l’université sans diplôme. C’est notamment de ce chiffre en effet intolérable que le Ministère tire argument pour exiger que les enseignants du supérieur revoient leur copie deux ans après la mise en place du LMD (qui n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation sérieuse), et qu’ils s’engagent à fond dans la pré-professionnalisation, en renonçant au modèle disciplinaire préservé tant bien que mal au fil des réformes précédentes. Autrement dit, les formations de Licence, inadaptées, seraient les principales causes de l’échec étudiant. Cette analyse ignore un certain nombre de facteurs qui sont pourtant déterminants dans l’échec d’une partie des étudiants, au premier rang desquels la nécessité de travailler à temps partiel pour financer des études qui, de ce fait, sont parfois reléguées au second plan.
    Stigmatiser les premiers cycles universitaires en raison de leur taux d’échec élevé, c’est aussi vouloir ignorer une singularité du système français, qui consiste à envoyer massivement les meilleurs bacheliers dans les classes préparatoires aux grandes écoles, qui les sélectionnent sur dossier, tandis que l’on demande aux premiers cycles des universités d’accueillir tous les bacheliers, sans discrimination. L’enseignement supérieur français fonctionne déjà, dans les faits, à deux vitesses : d’un côté, des étudiants sélectionnés, très encadrés, qui étudient à plein temps et sont en majorité issus des milieux sociaux les plus favorisés, de l’autre, des situations d’études dégradées par manque de moyens, l’hétérogénéité des niveaux, et un moindre encadrement. Du coup, l’université, qui n’accueille pas la majorité des meilleurs lycéens en 1er cycle, du moins dans les disciplines littéraires et scientifiques (le secteur Médecine et le Droit représentent des cas différents), se trouve à la fois pénalisée et soumise à une injonction contradictoire des plus hypocrites : excellez, faites réussir vos étudiants, mais surtout ne demandez pas qu’on vous donne des moyens comparables à ceux dont bénéficient les filières protégées, qui se chargeront bien toutes seules d’assurer la reproduction des élites.
  4. Nos engagements. Doit-on pour autant renoncer à former les étudiants à un niveau exigeant dans le domaine des lettres, langues et sciences humaines ? Evidemment, non. Et cela pour la simple raison que les formations disciplinaires de Licence proposées à l’université sont qualifiantes, non pas pour un métier, mais pour une grande variété de professions. Les compétences qu’elles délivrent ont d’ailleurs vocation à servir tout au long de la vie et non à répondre aux exigences d’employabilité immédiate à un instant T et pour un poste de travail défini. Les employeurs, eux, ne s’y trompent pas, qui savent reconnaître la valeur de diplômés ayant reçu une formation de qualité dans le domaine des Humanités. C’est à améliorer encore la qualité de ces formations que nous travaillons, sans du tout méconnaître les enjeux d’une vie professionnelle réussie. Cela passe-t-il par une sélection à l’entrée à l’université ? Non. Les universités ont pour mission essentielle l’élévation générale du niveau de savoir dont toute société a besoin pour se développer sur tous les plans, économiques autant que culturels, et il est absurde de vouloir leur imposer, au nom d’un économisme obtus et naïf, de renoncer à cette mission fondatrice.

Compte tenu des remarques précédentes, nous formulons, pour l’immédiat, deux demandes :

  1. Que le calendrier de la « campagne d’habilitation des diplômes 2009-2012 » soit aménagé pour que puisse se tenir, préalablement à toute modification significative de l’offre de formation, le débat qu’appellent les nouvelles orientations préconisées par le Ministère.
  2. Que la mise en application des dispositions de la loi « libertés et responsabilités des universités » soit suspendue à Paris Diderot-Paris 7, tant que les personnels concernés n’auront pas majoritairement décidé de l’opportunité de son application à notre établissement. Nous rappelons à cet égard qu’une motion d’opposition à la LRU avait été votée par le Conseil d’Administration en juillet 2007, motion dont il n’a été tenu aucun compte.

Assemblée Générale des Personnels enseignants et administratifs – 19/11/2007
UFR LAC (Lettres, Arts, Cinéma) – Université Paris Diderot - Paris 7


Motion transmise par Isabelle Krywkowski — SNESUP Reims.