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Le mensuel du SNESUP

Budget global recherche...

Dossier spécial "autonomie" du n°552

mercredi 21 février 2007, par Jean Fabbri

La démocratie universitaire, loin d’être excessive, apparait comme un garant essentiel
du service public national au sein de l’établissement. C’est tout le contraire d’une
culture et d’une gouvernance « maison ».

Est-ce cette caricature-là ?

Dans le cadre de la contractualisation renforcée
entre l’université de Tours et le CNRS,
l’université « attribue » directement trois délégations
annuelles. Cela donne lieu à appel à
candidatures puis à classement des demandes
par le CA (et selon nous après avis du CS !).
Le SNESUP est favorable à ce dispositif qui
rapproche universités et organismes et permet
d’approfondir des spécificités scientifiques
autour de projets dans les établissements.
Faut-il pour autant que le classement de ces
demandes interdise tout autre voie d’accès
aux délégations CNRS ?

C’est ce qu’envisageait le Président de l’université
de Tours, 3e vice-président de la CPU,
au motif que les autres dossiers ne s’inscrivent
pas (ou moins) dans les projets d’établissement.

Cette vision-là est inacceptable.

À Tours, la mobilisation de la section syndicale,
des élus au CA, bien au-delà des
élus syndicaux, a permis que toutes les
demandes, tant celles classées – ce qui est
naturel – que les autres qui ont leur légitimité
propre soient transmises au niveau national
au CNRS pour examen et des suites que
nous espérons favorables dans un grand
nombre de cas.

On le voit : la question du budget global
recherche sans cadrage, sans instance démocratique
de propositions et de contrôle est la
porte ouverte à toutes les dérives scientifiques.

L’autonomie selon Alain Renaut [1]
« Entre les universités d’État et les universités
privées, il y a place, je l’ai déjà
suggéré, pour des universités publiques :
plus précisément dirai-je que dans le secteur
académique non plus « l’autonomie n’est
pas l’indépendance », et si la tutelle de
l’Etat quand elle est mal pratiquée ou mal
conçue, peut annuler la liberté, elle peut
aussi, vis-à-vis des sollicitations et des
contraintes issues de la société, être le
garant de cette liberté en ménageant un
espace, celui-là même de la fonction
publique, où la soustraction des activités au
jeu des intérêts particuliers rend possible de
n’obéir qu’à la loi de l’intérêt général. »

L’avenir est aux universités !

La période pré-électorale actuelle fait de la
crise que traverse l’enseignement supérieur
en France essentiellement pour des raisons
de sous-financement (les dotations d’État
pour nos établissements n’ont pas bougé
depuis 2000 !) un enjeu du débat public.
C’est une très grande chance ! Si l’idée de
solutions miracles, importées de modèles
issus d’une tout autre tradition universitaire,
et pour lesquels on tire argument de classements
internationaux établis sans grande
méthodologie scientifique,
a de réels échos,
ce n’est pas pour autant
la seule piste.

Aux tensions objectives
entre les nombreuses
missions des établissements
du supérieur qui
d’ailleurs redoublent
celles qu’éprouvent
dans leur activité professionnelle
les enseignants
du supérieur, on objecte souvent qu’il
manque une autorité d’arbitrage. La lenteur
des évolutions des contenus de formation, les
difficultés financières des universités et de certaines
équipes de recherche..., viennent-elles
de la faiblesse structurelle de la « gouvernance
 » des établissements ?

La lourdeur des machineries bureaucratiques
que seraient les conseils d’administration des
universités, élus pour une partie seulement,
tient avant tout à leur contournement. Tous
les processus d’élaboration des contrats quadriennaux,
de la constitution des PRES (périmètres,
objectifs, structures) échappent dans
leur plus grande part aux instances délibératives
(et donc tant aux personnels et étudiants
qu’aux acteurs sociopolitiques de proximité).
Les débats qui s’y tiennent en bout de
course, deviennent vite sans objet (impossibilité
de reprendre un travail de plusieurs
mois...), et les conseils peuvent être transformés
en chambres d’enregistrement. Regardons
d’un peu plus près ce qui fonde la
démocratie universitaire. Celle-ci, bien qu’imparfaite
et sans vocation
à s’ériger en modèle, fait
des présidents d’université
des figures élues,
conseillées et contrôlées
par des conseils et rendues
indépendantes des
pressions internes par
l’impossibilité de leur
réélection immédiate. En
effet, une fois leur mandat
accompli, la plupart
des présidents s’effacent et retrouvent justement
les multiples facettes de l’activité d’enseignement,
et de recherche. Clarifier les instances
de décision et renforcer leur rôle
démocratique est possible. Il convient de
donner enfin sens au terme d’autonomie : les
questions de fond concernant l’enseignement
supérieur et la recherche doivent être discutées
au sein de l’université, validées par des
conseils forts, resserrés sur ces missions, afin
de donner une capacité de négociation réelle
aux équipes présidentielles.


[1Les Révolutions de l’université. Instituer l’autonomie, Paris, 1995.