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SNESUP

Modulation des services : une conception usurière de l’enseignement supérieur

vendredi 31 octobre 2008, par Webmestre

Le SNESUP a pris connaissance ce 30 octobre d’un projet de décret modifiant les statuts des enseignants-chercheurs. Ce projet met en oeuvre une partie des annonces faites par Valérie Pécresse le 20 octobre, dont nous avons déjà dénoncé la dangerosité pour l’enseignement supérieur et ses personnels.

Le présent texte instaure dans l’enseignement supérieur le principe de la modulation des services.

De quoi s’agit-il ? Alors que jusqu’ici chaque enseignant-chercheur savait que son service d’enseignement était fixé à 192 heures (équivalent TD), ce texte ne mentionne plus le chiffre de 192 heures que comme une valeur « pivot » autour de laquelle le service de chaque collègue tourne, soit supérieure, soit inférieure. Sur la base de « principes généraux » adoptés par le conseil d’administration, le président d’une université arrête les décisions individuelles d’attribution de services des enseignants-chercheurs, transmettant à chacun un tableau de service basé sur l’évaluation de la qualité de ses activités de recherche. Il ne s’agit pas ici d’adaptations « à la marge », liées à la cohérence et aux volumes horaires des modules d’enseignements, voire d’organisation mutuellement et objectivement équitable liée à des projets scientifiques ou pédagogiques au sein d’un département de formation, mais d’un principe de hiérarchisation visant à imposer un alourdissement durable des services d’enseignement d’un grand nombre de collègues.

Ce concept d’« enseignement punition », le SNESUP l’a dénoncé depuis longtemps pour trois raisons : d’abord, il introduit une compétition effrénée néfaste pour la sérénité qu’exige une recherche de haut niveau ; ensuite, les collègues en difficulté dans leur mission de recherche se trouvent enfoncés encore plus, rendant irrémédiable une situation qui aurait dû au contraire justifier un soutien attentif ; enfin, parce que l’intérêt des étudiants et leur réussite dans les études exigent de leur donner des enseignants de haut niveau scientifique et non des enseignants aigris par une situation d’échec.

Qu’on ne s’y trompe pas : le service de nombreux enseignants-chercheurs sera alourdi par ce dispositif. Il est en effet précisé que « les principes généraux de répartition des obligations de service et les décisions individuelles d’attribution de services ne peuvent conduire à dégrader le potentiel global d’enseignement ». Donc, pour tout allégement accordé à l’un, il faut infliger un alourdissement à un autre.

Les universitaires, les citoyens, veulent-ils de cette université-là ? Une université qui lamine ses enseignants et qui fait des étudiants les arbitres involontaires de différends scientifiques réglés à coups de vexations et d’interdits de recherche ?

Ce projet de décret comporte de nombreuses autres dispositions dont le sens général est de poursuivre la mise en place de la loi LRU, brisant le cadre national de la recherche française et imposant une déréglementation d’ensemble de la gestion des universités. Ainsi, ce texte en projet confie au seul échelon local — l’établissement, son conseil d’administration et surtout son président — l’attribution des congés CRCT, et promotions. Pour ces dernières, même si un avis classant national est émis par les sections du CNU, dans le cadre d’un processus d’évaluation global et quadriennal de l’activité individuelle des enseignants-chercheurs, cet avis n’est pas déterminant. Le volume des promotions et des accélérations de carrière (plus conséquentes pour les professeurs que pour les maîtres de conférences) est global par établissement : il ne fera pas bon être dans une discipline très minoritaire ! Sur le plan scientifique, le CNU pourrait être contourné par le niveau local pour le recrutement d’un collègue titulaire d’un titre universitaire étranger.

Le SNESUP alerte sur ces dangers qui sont le corollaire du désengagement budgétaire qui voit pour la première fois la suppression de plus de 1000 emplois dans le supérieur et la recherche. C’est par le recours aux emplois précaires, aux heures complémentaires et maintenant aux heures « gratuites » imposées au-delà du service (par la suppression de cette notion vue comme un carcan par le gouvernement) que le ministère prétend assumer les missions d’enseignement supérieur dont il réduit à la fois le périmètre et les ambitions.

Dès lundi 3 novembre, en manifestant devant l’assemblée nationale contre le projet de budget 2009 de l’enseignement supérieur et de la recherche, les universitaires engageront la nécessaire protestation pour mettre en échec ce projet de décret.

Paris, le 31 octobre 2008