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Les services publics en ligne de mire

mercredi 21 novembre 2007, par Webmestre

Article paru le 21 novembre 2007 dans les pages « Rebonds » du journal Libération, à l’initiative du collectif contre la LRU du campus Jourdan (Ecole normale supérieure/EHESS/Ecole d’économie de Paris). Par Christian Baudelot, sociologue, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure ; Stéphane Beaud, sociologue, professeur à l’Ecole normale supérieure ; Florence Weber, sociologue, professeur à l’Ecole normale supérieure ; Jérôme Bourdieu et Muriel Roger, économistes, Inra et Ecole d’économie de Paris ; Bruno Amable, économiste, professeur à l’université Paris-I ; Dominique Lévy, économiste, directeur de recherche au CNRS, Ecole d’économie de Paris, etc.

Grévistes contre « usagers pris en otages », « corporatismes » contre « intérêt général », « privilégiés » contre « travailleurs méritants ». Etudiants et enseignants à l’université, directement confrontés aux conséquences de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), nous sommes convaincus de la nécessité de transformer l’université.

En tant que chercheurs en sciences sociales, nous estimons que cette présentation politico-médiatique des mouvements sociaux actuels masque la question centrale qu’ils nous posent : celle de la place des services publics dans notre société. Déjà présentes en 1995, ces préoccupations n’ont pas trouvé de réponse politique. L’invocation rituelle de la « modernisation », de l’« autonomie », de la « gouvernance », et les mesures apparemment techniques qui sont menées au nom de ces mots d’ordre empêchent le nécessaire débat sur la finalité des réformes en cours. Loin d’être une nouvelle poussée de l’éternelle rébellion de la jeunesse, la mobilisation des étudiants a ceci d’original qu’il s’agit d’un mouvement porté par les usagers du service public eux-mêmes. Par leurs revendications, les étudiants mettent le doigt sur les ambigüités de l’autonomie ainsi proclamée par la loi. Sera-t-elle plus autonome cette université qui devra compter sur les fonds privés plutôt que le financement par l’impôt, garant de la solidarité nationale ? Seront-ils plus autonomes ces étudiants qui devront bientôt s’acquitter de droits d’inscription plus élevés ? Seront-ils plus autonomes ces enseignants-chercheurs dont le recrutement et les activités pédagogiques et scientifiques seront davantage contrôlés par leur hiérarchie administrative et par les financeurs ? Et ces personnels administratifs et techniques menacés par l’externalisation de leurs activités ? En place d’autonomie, c’est plutôt une forte hétéronomie que promeut la loi LRU en resserrant les pouvoirs dans les mains de quelques mandarins, chefs d’entreprise ou notables.

Finalement, en interpelant le gouvernement sur la question du financement, du fonctionnement et des missions de l’université, les étudiants – dont la LRU réduit la représentation dans les conseils d’administration –, refusent de laisser la définition du service public d’enseignement à quelques experts ou hauts fonctionnaires. C’est aussi la question de la place du service public qui est en cause dans les grèves contre la réforme des régimes spéciaux. Ces métiers au contact du public remplissent une mission spécifique : leur contribution à la cohésion sociale a longtemps eu pour contrepartie la reconnaissance, statutaire si ce n’est pécuniaire, des agents publics. Beaucoup de travaux récents, sur les postiers ou les conducteurs de bus par exemple, ont montré que les mesures de libéralisation avaient non seulement détérioré les conditions de travail et d’emploi de ces salariés mais qu’elles avaient aussi remis en cause leur honorabilité. Au centre des changements qui travaillent notre société, ces agents doivent affronter les logiques de concurrence et de rentabilité tout en étant confrontés aux inégalités et aux souffrances sociales.

C’est l’enseignant face aux enfants de la démocratisation scolaire menacés par la déstructuration du marché du travail, ou encore le cheminot face aux fermetures de lignes régionales et aux territoires relégués. Ne pas dégrader les conditions de travail et d’emploi de ces agents, c’est renouveler la confiance de la société à leur endroit, c’est aussi reconnaître que certaines activités doivent échapper aux seules logiques marchandes. La mise en scène spectaculaire des différentes réformes des services publics empêche de les penser dans leur globalité. Plutôt que d’envisager les services publics au seul prisme des supposés privilèges des fonctionnaires et des coûts qu’ils génèrent, ces réformes doivent être pensées dans leurs dimensions sociales et politiques. Cela nous apparaît comme la condition pour sortir de l’alternative entre l’immobilisme, rejeté par les personnels et les usagers eux-mêmes, et le démantèlement des services publics.


La liste complète des signataires :
- Sarah Abdelnour, doctorante sociologie (ENS/EHESS)
- Lucie Alarcon (master 2 en sociologie)
- Bruno Amable, Professeur de sciences économiques à l’université Paris I
- Martina Avanza Doctorante ENS/EHESS
- Christelle Avril, doctorante CMH-ETT, Prag département de sociologie de Paris 8.
- Oriol Barranco, Doctorant ETT-CMH (ENS/EHESS), ATER en Sociologie à l’Universitat Autònoma de Barcelona
- Christian Baudelot, Professeur Emerite Ens (CMH-ETT)
- Stéphane Beaud, professeur de sociologie à l’Ecole Normale Supérieure
- Yann Beldame, Doctorant en anthropologie, EHESS-Paris
- Nicolas Belorgey, Doctorant ETT-CMH (ENS/EHESS)
- Laure Bereni, doctorante, CMH-ETT
- Céline Bessière, maître de conférences en sociologie à l’Université Paris IX-Dauphine
- Emilie Biland, Doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS), ATER en Science politique à Paris 1
- Solène Billaud, Doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS)
- Aude Béliard, doctorante en sociologie, CMH / ETT, Université Paris 8
- Marlène Benquet, Doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS)
- Bastien Bosa, Maître de conférences en Anthropologie à l’Université de Bogota
- Marie-Victoire Bouquet, doctorante sociologie (ENS/EHESS)
- Jérôme Bourdieu, INRA et Ecole d’Économie de Paris (EEP)
- Baptiste Brossard, Doctorant en sociologie, CMH ETT (ENS/EHESS)
- Marie Brandewinder, Doctorante CRAPE (IEP Rennes et Rennes I), CSE et CMH-ETT, ATER à Paris II
- Yaël Brinbaum, Maître de conférences en sociologie, Université de Bourgogne, IREDU, CMH
- Séverine Carrausse, Doctorante en sociologie, CADIS (EHESS) LISST-Cieu (Toulouse 2)
- Damien Cartron, Ingénieur de recherche CNRS, CMH (ENS/EHESS)
- Joanie Cayouette, M1 ETT
- Fabienne Chamelot, Master 2 ETT (ENS/EHESS)
- Romain Champy, Etudiant Master 2-ETT (ENS/EHESS)
- Severine Chauvel, doctorante CMH/ETT, allocataire monitrice à l’Université
d’Evry
- Sébastien Chauvin, doctorant CMH-ETT, ATER Paris 1
- Julien Clément ATER à l’Université de Rouen, doctorant en anthropologie au CREDO
- Pierre Clément, doctorant sociologie (ENS/EHESS)
- Victor Collet, Doctorant, ISP, Pars-X-Nantrerre
- Cornélia Constantin, Doctorante ETT – CMH (ENS/EHESS)
- Thomas Cortado, étudiant normalien
- Daniela Cuadros Garland, doctorante à l’Université Paris 1, ATER à l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg,
- Daniella de C. Rocha, Ater Université d’Evry, Chercheuse associée CEMS-EHESS
- Béatrice de Gasquet, doctorante ENS/EHESS
- Magali Della Sudda, Doctorante ETT-CRH-CERAPS, ATER en Science politique à l’Université de Lille
- Sophie Devineau, Maître de conférences, GRIS — Université de Rouen, CMH-Dyreso Caen
- Jean-Sébastien Eideliman, Doctorant en sociologie CMH/ETT, ATER à l’université Paris 13
- Pascale Dietrich, doctorante Centre Maurice Halbwachs (ENS/EHESS)
- Norbert Emenegger : Agent de l’ANPE et doctorant CMH (ENS/EHESS/Caen)
- Sarah Fargeon, agrégative d’histoire, ENS Paris / la Sorbonne-Paris 1
- Eric Fassin, sociologue, ENS.
- Jean Ferrette, Professeur de Sciences économiques et sociales, doctorant à Dyreso
- Aurélie Filood-Chabaud, Etudiante Master 1-ETT (ENS/EHESS)
- Elsa Forner, Etudiante Master 1-ETT (ENS/EHESS)
- Julien Fretel, Professeur de science politique, Amiens/Sciences Po Lille
- Maëlys Gantois, doctorante CRPS, Paris1.
- Catherine Guaspare-Cartron, Ingénieur d’études CNRS, GSPM (Institut Marcel
Mauss, CNRS/EHESS)
- Violaine Girard, doctorante au CMH/ETT, Ater en sciences politiques à l’IEP de Toulouse
- Sibylle Gollac, doctorante en sociologie CMH-équipe ETT et enseignante à l’ENS
- Stéphanie Guyon, Doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS), ATER à Paris 1
- Samir Hadj-belgacem, Etudiant Master 2-ETT (ENS/EHESS)
- Aldo Haesler, Professeur de sociologie, Centre Maurice Halbwachs, Université de Caen
- Abdellali Hajjat, doctorant en sociologie à l’EHESS (CMH-ETT)
- Reguina Hatzipetrou-Andronikou, doctorante en sociologie (CMH-PRO, EHESS), ATER en sciences de l’éducation Lyon 2
- Mathieu Hauchecorne, doctorant en science politique, moniteur à l’Université de Lille 2
- Matthieu Hély, Maître de conférences en sociologie, Université Paris X-Nanterre
- Choukri Hmed, Maître de conférence en Science Politique, Université Paris-Dauphine
- Thomas Huet, Etudiant en Master 2, Enquêtes-Théories-Terrains (ENS/EHESS)
- Marie-Eve Humery, doctorante ETT-CMH (ENS-EHESS),
- Liora Israël, Maîtresse de conférences à l’EHESS
- Arthur Jatteau, Agrégatif en sciences sociales à l’ENS
- Annick Kieffer, ingénieur de recherche, CNRS
- Kolopp Sarah, mastérienne CMH-ETT
- Laure Lacan, Doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS), Allocataire monitrice à Paris 5
- Germinal Ladmiral, Etudiant Master 1-ETT (ENS/EHESS)
- Gilles Laferté, Chargé de recherches INRA, Département Sciences sociales
- Marie-Lavande Laidebeur, doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS), ATER à Lille 1
- Aurélie La Torré, doctorante ETT-CMH(ENS/EHESS), ATER en Sociologie à
l’Université de Limoges
- Christian Lazzeri, Prof Philosophie Paris X Nanterre.
- Rémi LEFEBVRE, Professeur de sciences politiques, Reims
- Alice Le Goff, doctorante en philosophie, ATER /Paris X-Nanterre
- Clotilde Lemarchant, Maître de conférences de sociologie, CMH, Université de Caen
- Sandrine Levêque, Maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris-1 et chercheure au Centre de recherches politiques de la Sorbonne
- Dominique Levy, économiste, Directeur de Recherche au CNRS, Economie, PSE
- Wilfried Lignier, Agrégé-Préparateur à l’Ecole Normale Supérieure
- Marie Loison, ATER à l’université de Lille 3 , doctorante à l’EHESS, ERIS-CMH
- Florence Maillochon, chargée de recherches au CNRS
- Mainsant Gwénaëlle, doctorante en sciences sociales, IRIS (ENS-EHESS), Centre Marc Bloch
- Audrey Mariette, Doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS)
- Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au CNRS
- Emmanuel Martin, Doctorant CMH (ENS/EHESS)
- Ana Masullo, doctorante de sociologie à l’EHESS, ERIS-CMH
- Pascal Marichalar (doctorant sociologie)
- Camille Mazé, Monitrice en Sociologie, ETT-CMH (ENS/EHESS), Université Paris 1 Sorbonne
- Sarah Mazouz, doctorante ENS/EHESS, allocataire de recherche
- Frédéric Neyrat, Maître de conférences en sociologie, Limoges.
- Alexandra Oeser, docteure ETT-CMH, (ENS/EHESS) et ATER en Sciences Politiques, IEP Toulouse
- Renaud Orain, doctorant CMH-ETT/CSU/Univ Paris 8, ATER à l’Université de Reims
- André Orléan, directeur de recherches du CNRS, chercheur associé à l’EEP
- Julie Pagis, Doctorante ETT-CMH (ENS/EHESS), ATER en Science politique à Paris 1
- Stefano Palombarini - Maître de conférences Université Paris 8 et chercheur associé à l’Ecole d’Économie de Paris (EEP)
- Paul Pasquali, Doctorant ETT-CMH (ENS/EHESS)
- Simon Paye, doctorant Centre Maurice Halbwachs
- Etienne Pénissat, Doctorant ETT-CMH (ENS/EHESS), ATER en Science politique à Paris 1
- Louis Pinto, directeur de recherche au CNRS
- Sophie Pochic, sociologue, CMH, CNRS
- Ioana Popa, chercheur CNRS
- Marion Rabier, Doctorante en science politique, CMH, ETT
- Ferruccio Ricciardi, doctorant histoire, EHESS-CMH
- Muriel Roger, INRA et Ecole d’Économie de Paris (EEP)
- Jules Salomone, L3 d’économie à Paris 1
- Gabrielle Schütz, doctorante ETT-CMH et GSPM (EHESS), ATER en sociologie à l’université de Limoges
- Réjane Sénac-Slawinski, Chargée de recherche au CNRS, CMH (EHESS - ENS)
- Yasmine Siblot, Maîtresse de conférences en sociologie, Université Paris 1
- Johanna Siméant, Professeur de Science Politique à la Sorbonne, Membre de l’Institut Universitaire de France
- Remi Sinthon, Etudiant Master 2-ETT (ENS/EHESS)
- Pierre-Emmanuel Sorignet, Maitre de conférence sociologie université toulouse III
- Isabelle Sommier, Maîtresse de conférences en science politique et directrice du Centre de recherches politiques de la Sorbonne, Paris 1.
- Emmanuel Soutrenon, Doctorant ETT-CMH (ENS/EHESS)
- Hélène Steinmetz, Doctorante sociologie GRS-Lyon 2, Agrégée Préparatrice ENS
- Marc Thiland chercheur en sociologie
- Mathias Thura, Etudiant agrégatif
- Loic Trabut, doctorant ETT-CMH (ENS/EHESS)
- Benoît Trépied, doctorant en anthropologie, ENS-EHESS
- Thomas Watkin, PhD Candidate in Sociology, CMH-PRO (ENS/EHESS)
- Florence Weber, Professeur de sociologie à l’Ecole Normale Supérieure.


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